Chemin de Compostelle

Du Parc de la Villette à l'église Saint-Merri

16 min de lecture - promenade  6 kilomètres

Chemin de Compostelle Parc Villette à Eglise Saint-Merri

Ce parcours en grande partie basé sur le GR 655 qu’empruntent les pèlerins en provenance des Flandres et du Nord, traverse le Parc de la Villette, suit le canal de l’Ourcq et de Saint-Martin. Il rejoint ensuite un axe plus ancien par la rue Saint-Martin jusqu’à l’église Saint-Merri.

Le Parc de la Villette et les canaux

Canal de l'Ourcq

Le canal de l'Ourq a été décidé par Napoléon afin d'améliorer l'alimentation en eau de Paris. L'immense bassin de la Villette alimenté par le canal était alors en dehors de Paris, derrière la Rotonde de la Villette, où l'impôt était perçu pour les marchandises entrant dans Paris.

Puis en 1826, le bassin fut ouvert à la navigation avec la Seine en deux points, au nord vers Saint-Denis par le canal du même nom et au sud vers l’Arsenal par le canal Saint-Martin. Cette activité portuaire développa le quartier de la Villette en activités industrielles et en transports de marchandises.

Puis avec le besoin grandissant d’alimenter la ville en viandes, il fut décidé au Second Empire d'installer un important marché aux bestiaux avec des abattoirs répartis sur le vaste terrain occupé aujourd’hui par le parc de la Villette. A cette époque, on trouvait plus simple d’amener les animaux sur les lieux mêmes où ils devaient être abattus et consommés. Bien que modernisé dans les années soixante, le vaste marché de la Villette ne correspondait plus aux nouvelles méthodes plus rationnelles consistant à abattre les animaux près de leur lieu d’élevage. En 1977, décision fut donc prise de convertir l’essentiel des bâtiments et du terrain en musée des sciences, en cité de la Musique et en un vaste parc urbain.

Parc de la Villette - Cité Sciences

Rejoignons le Parc de la Villette par la station de métro Porte de la Villette. Devant nous, la Cité des sciences et de l’industrie aménagée dans l’ancienne salle immense des ventes de la viande.

Longeons sur notre droite le vaste bâtiment gris qui s’avance en forme de proue de navire et marchons en direction de la Maison de la Villette,  pavillon des anciens abattoirs et habillée de lignes rouges.

Arrivés au niveau du Pavillon de la Villette, on pourra se poser en face sur le banc des Pèlerins à l’ombre d’un beau tilleul. 

Parc de la Villette - Banc du Pèlerin
Parc de la Villette - Banc du Pèlerin

Continuons jusqu’au bout et prenons le chemin à gauche qui nous mène sous la galerie couverte reconnaissable à son toit ondulé. Sous cette galerie, on pourra remarquer au sol plusieurs clous-coquilles qui nous confirment que nous sommes sur le bon chemin.


Sur notre gauche, l’immense Cité des sciences et de l’industrie entourée de douves et l’impressionnante Géode sur laquelle se reflète le ciel.

Parc de la Villette - Médaillon clou coquilleCompostelle
Parc de la Villette - Galerie
Parc de la Villette - Cité des Sciences Géode
Parc de la Villette statue Hippocampe
Parc de la Villette Canal de l'Ourcq

Au bout de la galerie, franchissons le canal de l’Ourcq par une passerelle, d’où sur la gauche on peut apercevoir au loin les anciens moulins de Pantin.

Deux clous coquilles nous accueillent en bas des marches de la passerelle. Descendons au niveau du quai pour longer le canal de l’Ourcq ite en direction du rond-pont avec le canal de Saint-Denis. En bas de la passerelle, un ancien arrêt de bus bleu est le point de départ de croisière de deux heures et demi jusqu’au musée d’Orsay, autre thème de promenade bien agréable. 

Nous sortons du parc de la Villette et franchissons une darse par un petit pont. Nous continuons à longer le canal de l’Ourcq en suivant le quai de la Marne sur environ 600 mètres jusqu’au pont levant de la rue de Crimée.

Bassin de la Villette

De chaque côté du pont, deux bâtiments autrefois entrepôts pour le stockage du sucre, des grains et des alcools encadrent l’entrée du  bassin de la Villette.

Du côté de quai de Seine, le bâtiment moderne rappelle par son volume l’entrepôt détruit par un incendie en 1990. 

Quai de la Loire, l’ancien entrepôt a été reconverti en une résidence de la Cité Universitaire.

Pont de Crimée

Traversons le canal par l’élégante passerelle qui permet aux piétons de franchir le canal indépendamment de l’impressionnant pont levant  de 1884, remarquable combinaison d’esthétisme et de prouesse technique.

Au bout du pont, un vieux poste de garde aux armes de Paris désormais vide de toute présence humaine puisque le pont levant est désormais piloté à distance deux fois par heure.

Place de Bitche Eglise Saint-Jacques Saint Christophe

En face de nous, la place de Bitche forme avec son charmant square Serge Reggiani et sa petite église une image tout en contraste avec les immeubles modernes. C’est un lieu de pause très agréable, à l’écart de la circulation, qui peut s’agrémenter d’un pique nique le jeudi ou le dimanche grâce à la proximité du marché derrière l’église Saint-Jacques Saint-Christophe. Cette église, relativement récente a remplacé l'église de la Villette du XIVème siècle  alors au milieu d’une campagne de cultures, de vergers et de vignes, traversée par une ancienne voie romaine que suivaient les pèlerins de Compostelle venant des provinces du nord. C'est lorsque le canal de l'Ourcq amena un accroissement important de population au XIXème siècle qu'il fut décidé de construire cette église dans ce nouveau quartier.

Revenons sur nos pas pour retraverser le canal et longer le bassin de la Villette. Au loin se détache la Rotonde de la Villette, ancien bureau de l’octroi de l’enceinte des Fermiers Généraux.

Le bassin n’a plus rien à voir avec le bassin industrieux et actif photographié par Atget. Aujourd’hui ce bassin, le plus vaste plan d’eau de la capitale avec ses 700 mètres de long et 70 mètres de large est dorénavant consacré au canoë-kayak, à l’aviron, à la navigation de plaisance et même à la baignade l’été avec Paris Plages.

Bassin de la Villette Quai de Loire Atget

Bassin de la Villette – Quai de Loire
Atget – 1914
(MoMA)

Bassin de la Villette quai de Loire

Entre la photo prise en 1914 et celle prise plus de cent ans plus tard, plus rien n’est reconnaissable hormis le quai. La passerelle verte a remplacé en 1966 avec beaucoup moins d’allure la passerelle de la Moselle construite par Eiffel en 1882. La Tour Duvergier, une des plus hautes du 19ème arrondissement domine le bassin de ses trente étages où les loisirs nautiques ont remplacé les activités portuaires.

Nous arrivons à la Rotonde de la Villette, ancien bâtiment d’octroi du mur des Fermiers Généraux, construit par Nicolas Ledoux. On peut voir les maquettes de toutes ses constructions aux très belles Salines d’Arc et Senans dont il fut également l’architecte.  Le génie de  Ledoux peut sembler disproportionné pour un bâtiment destiné à percevoir l’impôt. Le 12 juillet 1789, en prémices de la prise de la Bastille, le peuple incendia la quasi totalité de la soixantaine des bâtiments d’octroi. Celle-ci en réchappa.  

Ancienne barrière de Paris la Villette Atget

Ancienne Barrière de Paris – La Villette
Atget –
(BnF)

Rotonde de la Villette

Arrivés place Stalingrad à l’incessante circulation de voitures, de bus, de deux-roues, de bicyclettes, de trottinettes et du métro aérien, nous traversons l’avenue Jean-Jaurès, l’avenue Secrétan, le boulevard de la Villette, puis nous passons sous le métro aérien et tournons à gauche pour reprendre notre marche quai de Jemmapes, le long du canal Saint-Martin.  Ouf !

Voulu par Napoléon, le canal Saint-Martin (1803-1823) ne sera inauguré que plus tard sous la restauration.
Long de 4,4 km, il relie le bassin de la Villette au port de l’Arsenal, en offrant une promenade agréable, tant à pied le long de ses rives qu’en bateau au rythme de ses neuf écluses. La promenade en bateau, que je recommande passe sous le boulevard Richard Lenoir et la colonne de la Bastille, avant de ressortir au bassin de l’arsenal.

Le canal est régulièrement vidé et mis à sec pour être complètement nettoyé, car c’est fou ce que l’on peut y trouver, comme dirait Boris …


Un frigidaire
Un joli scooter
Un atomixer
Et du Dunlopillo
Une cuisinière
Avec un four en verre
Des tas de couverts
Et des pelles à gâteaux


il s’agit aussi de protéger tout une biodiversité de faune et de flore que l’on ne soupçonne pas. Anguilles, moules d’eau douce, écrevisses et gardons …

Canal saint-martin

Bordés autrefois d’entrepôts et de fabriques, ses quais sont désormais fréquentés par l’homo festibus qui trouve ici de nombreux restaurants et bars. Une exception toutefois, les ateliers Clairefontaine-Exacompta implantés au bord du Canal Saint-Martin depuis 1928 qui fabriquent encore des agendas made in Paris !

quai de Jemmapes Atget

Quai de Jemmapes
Atget – Entre 1905 et 1906
(BnF)

Quai de Jemmapes

Prenons le deuxième pont entre la rue des Ecluses Saint-Martin et la rue Eugène Varlin. Nous passons au dessus des écluses dites des morts, en raison de leur proximité avec un ancien cimetière ainsi que du sinistre gibet de Mautfaucon, autrefois situé au sommet d’une butte et localisé aujourd’hui au 53, rue de la Grange aux Belles. Tournons vite le dos à cette funeste et horrible vision. Prenons à gauche le quai de Valmy.

Devant nous, le canal fait une courbe devant des magasins aux jolies couleurs acidulées de jaune et de vert. Entrons dans le jardin Villemin sur notre droite.

Du Jardin Villemin à la porte Saint-Martin

Ce jardin qui entoure l’ancien couvent des Récollets devenu hôpital au 19ème siècle  est un espace miraculé ; grâce à l'active défense des habitants du quartier et d'artistes squatteurs surnommés les Anges des Récollets, il fut sauvé d’opérations immobilières visant à en faire un luxueux programme de 200 logements. 

Le nom de Récollets vient du latin recollectum qui veut dire recueillement. De ce vaste enclos religieux, il ne reste plus qu’un bâtiment, qui abritait autrefois le dortoir des moines et la bibliothèque.

A la Révolution, les derniers religieux furent chassés et le bâtiment transformé en hospice. Il devint hôpital militaire et prit en 1913 le nom de Villemin, médecin militaire connu pour ses travaux sur la tuberculose. Situé près de la Gare de l’Est, l’hôpital accuillit de nombreux blessés des guerres 1870, 14-18 et 39-40.

L’ancien couvent des Récollets abrite désormais la Maison de l’architectecture Ile de France.

Une pause tranquille à la terrasse de son café, le Café A permettra de mieux le découvrir.

Dirigeons-nous vers le kiosque à musique pour prendre l’allée qui permet de sortir rue des Récollets à environ 100 mètres. 

Prenons le passage des Récollets en face. Ne tournons pas à droite comme le fait le passage, mais continuons tout droit sous les maisons, jusqu’au passage Dubail où nous tournons à droite. Prenons la première rue à gauche qui passe sous les deux voûtes d'un immeuble et qui débouche rue des Vinaigriers.  

Mairie 10ème arrondissement

Traversons la rue des Vinaigriers puis le boulevard de Magenta pour reprendre en face la rue des Vinaigriers et tournons à gauche dans la rue du Faubourg Saint-Martin.

Au 82, les contours d'une petite Madone nichée dans la façade rappellent l'ancienneté de la maison. Juste après, l’imposante mairie du Xème arrondissement à l’architecture étonnante néo-Renaissance m'évoque tout à la fois un petit château de la Loire et l’Hôtel de Ville en miniature.

Nous arrivons à la Porte Saint-Martin, édifiée à la gloire de Louis XIV pour ses victoires en Franche-Comté sur les armées allemande, espagnole et hollandaise.

Rue Saint-Martin - Ancien prieuré

Tour du Vert Bois Conservatoire Arts et Métiers

Nous continuons tout droit par la rue Saint-Martin, ancienne voie romaine avec les provinces du Nord.

Sur notre gauche la tour du Vert Bois, à l’angle du Conservatoire des Arts et Métiers rappelle l’ancienne enceinte qui protégeait le prieuré Saint-Martin, dont on peut voir un peu plus loin l’église de Saint-Martin des Champs, construite vers 1135.

« Entre la rue Neuve du Temple et la rue Saint-Martin, c’était l’abbaye de Saint-Martin, au milieu de ses jardins, superbe église fortifiée, dont la ceinture de tours, dont la tiare de clochers, ne le cédaient en force et en splendeur qu’à Saint-Germain des Prés »  (Victor Hugo – Notre Dame de Paris).

Par ses actions, l’écrivain avait usé de toute son influence pour sauvegarder et rénover Notre-Dame. Plus tard en 1880, Victor Hugo eut ces paroles pour sauvegarder la tour Verbois, la seule conservée et qui gênait l’architecte chargé de l’extension du Conservatoire : «  Démolir la tour ? Non. Démolir l’architecte ? Oui.Il ne comprend rien à l’histoire et par conséquent rien à l’architecture. Tous les vieux vestiges de Paris doivent être conservés désormais. Paris est la ville du passé. Pourquoi ? parce qu’elle est la ville de l’avenir.»

Eglise Saint-Martin des Champs Arts et Métiers

Depuis sa création en 1794 par l’abbé Grégoire, le Conservatoire des Arts et Métiers est installé dans l’ancien prieuré. La visite du musée des Arts et Métiers permet de voir la très belle église de Saint-Martin des Champs; ceci est pour une autre promenade ...

Traversons la rue Réaumur et poursuivons par la rue Saint-Martin. Nous longeons maintenant sur notre gauche l’église Saint-Nicolas des Champs, à l’origine une chapelle dépendant de l’abbaye de Saint-Martin. L’édifice actuel qui date du XVème siècle fut agrandi au fil du temps au fur et à mesure de l’accroissement de la population.

Porte eglise Saint-Nicolas des Champs Atget

Porte de l’église Saint-Nicolas des Champs
Atget – 1911
(Beaux-Arts)

Eglise Saint-Nicolas des Champs

Ancien hôpital Saint-Jacques

Traversons la rue Cunin-Gridaine et la rue de Turbigo pour continuer par la rue Saint-Martin jusqu’à la rue aux Ours à droite.

Nous continuons par la rue Etienne Marcel jusqu’à la rue Saint-Denis pour nous arrêter devant l’immeuble qui en fait le coin. 

A peu près à l’endroit situé entre les rues Saint-Denis, Pierre Lescot et la rue du Cygne au sud se trouvait autrefois l’Hôpital Saint-Jacques construit en 1319 pour héberger les pèlerins. Cet hôpital fut supprimé à la Révolution et il n’en reste quasiment rien, hormis cinq statues découvertes en 1840 lors de la construction de nouvelles maisons sur son emplacement. On présume que ces statues devaient décorer le portail de l’église de l’hôpital et qu’elles furent enterrées pour être protégées pendant la Révolution. Elles sont aujourd’hui au musée de Cluny.

Musée Cluny statues Hôpital Saint-Jacques

Sans en être des copies, les trois statues visibles sur les deux côtés de l’immeuble en marquent ainsi le souvenir.

Rue Saint-Denis Hôpital Saint-Jacques
Rue Etienne Marcel Hôpital Saint-Jacques
Rue Etienne Marcel Hôpital Saint-Jacques
17 rue Pierre Lescot Hôpital Saint-Jacques

Poursuivons par la rue Etienne Marcel pour tourner dans la rue Pierre Lescot.  Au 17, arrêtons-nous devant l’immeuble de 1820 pour lequel l’architecte a voulu rappeler l’existence de l’hôpital Saint-Jacques par des symboles tels que bourdons, calebasses, besace et coquilles au dessus de quelques fenêtres ou le caducée au dessus de la porte d’entrée.  

Sur ce même immeuble, côté rue du Cygne, une plaque fait aussi référence à cet hôpital élevé autrefois sur le chemin de Compostelle. 

Eglise Saint-Leu Saint-Gilles

Eglise Saint-Leu Saint-Gilles Chevaliers du Saint-Sépulcre

Poursuivons par la rue du Cygne jusqu’à la rue Saint-Denis que nous prenons à droite.

En face de nous, l’église Saint-Leu Saint-Gilles, du 13ème siècle, a connu de multiples reconstructions et remaniements au cours des siècles, le dernier étant dû à l’ouverture du boulevard de Sébastopol au 19ème siècle. Elle a pour particularité d’abriter le siège de la confrérie des chevaliers du Saint-Sépulcre dont les offices sont célébrés dans la crypte.

L’église est souvent fermée, sauf quelques après-midis lorsque des messes ou des concerts y sont donnés. Lors de ma dernière promenade, j’ai eu la chance de la trouver ouverte un mercredi en fin d’après-midi. J’ai été saisie par le caractère aérien et lumineux de cette petite église de style gothique tout en constraste avec son aspect extérieur triste et sale.

Eglise Saint-Merri

Poursuivons par la rue Saint-Denis jusqu’à la rue Berger que nous prenons à gauche. Continuons par la rue Aubry le Boucher pour retrouver la rue Saint-Martin que nous prenons à droite.

Arrêtons nous à l’église Saint-Merri. Son campanile renferme la plus ancienne cloche de Paris, la « Merry » de 1331. L’église actuelle, de style gothique flamboyant fut reconstruite au XVIème siècle pour accueillir une population en pleine croissance dans ce quartier commerçant. Sur la façade rue Saint-Martin on peut voir Saint-Jacques en tenue de pèlerin. Une petite visite à l’intérieur s’impose. Pour cela franchissez le porche surmonté du Baphomet, drôle de personnage avec barbe et cornes entouré de tout un peuple d’animaux.

Eglise Saint-Merri Saint-Jacques
Eglise Saint-Merri Baphomet
Eglise Saint-Merri

Texte / Photos : Martine Combes

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